vendredi, février 06, 2009

L'extrême droite menace-t-elle une Amérique vulnérable?

J'ai assité mercredi 4 février à une discussion sur les groupes d'extrême droite aux Etats-Unis. J'y suis allée sans être trop emballée, car j'imaginais plutôt l'aspect historique de la chose. J'avais tort. Mark Potok et Chris Hedges, les deux intervenants, ont rendu le sujet très actuel, trop?


Les groupes d'extrême droite ont toujours existé aux Etats-Unis. Avant de s'en prendre aux immigrés latinos aujourd'hui, les organisations suprématistes blanches et nativistes comme le Ku Kux Klan (fondé en 1865) avaient pour cible les immigrés allemands, asiatiques, les Juifs et Catholiques fin 19e et début 20e. Rien de nouveau, donc selon Mark Potok, du Southern Poverty Law Center, une association de surveillance de l'extrême-droite basée en Alabama. Un parti nazi américain a existé après la deuxième guerre mondiale et l'antisémitisme n'était pas rare à l'époque : après tout, Henry Ford était un adepte des théories du complot juif et un admirateur de l'Allemagne d'Hitler, rappelle Potok.

Le mouvement des droits civiques dans les années 60 bouscule et revigore les groupes d'extrême droite, qui voient dans l'abolition de la ségrégation une atteinte à leur identité d'Américains blancs et chrétiens. Le sentiment de "spoliation" est celui qui domine chez ces groupes "restaurationnistes", c'est-à-dire qui prônent "le retour à l'Amérique réelle", selon Potok.

Le chercheur indique que les groupes d'extrême droite se sont installés au cours des dernières décennies dans le nord ouest des Etats-Unis (Nord de la Californie, Oregon, Etat de Washington et Idaho) en raison de l'absence relative de minorités ethniques dans ces Etats. Pour des raisons historiques, les Noirs sont y peu présents sauf dans les métropoles (Portland et Seatlle).

Mark Potok, crédits : Val Downes.

Plus récemment, les groupes d'extrême droite ont pris la forme des minutemen. Un projet né en Arizona où des particuliers s'organisent pour surveiller la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Cette idéologie anti-immigration est relayée par des talks-show à la radio ou la télévision, comme Lou Dobbs sur CNN, ainsi que par des politiciens, comme le représentant du Colorado Tom Cancredo.

Régulièrement, les émissions de radios conservatives diffusent des rumeurs sur les méfaits de l'immigration illégale, rumeurs relayées par les médias mainstream. La plus récente avançait que les immigrés illégaux étaient à l'origine de la crise des subprimes, car ils avaient fait exploser le système par leur avidité : les banques étant "obligées" de faire crédit aux minorités.

Potok indique que les "hate crimes", qui vont donc de la simple discrimination au crime racial, sont en hausse, en particulier à l'égard des Latinos. Une étude du département de Justice estime à 200 000 le nombre de ces crimes haineux chaque année.

Chris Hedges, auteur de "American Fascists: The Christian Right and the War on America", adopte une approche encore plus pessimiste. Il estime que les idées d'extrême droite ont tendance à se propager dans la socété en temps de crise économique. Or les Etats-Unis entrent dans l'une des crises que l'on compare à la dépression des années 30. "Les idées racistes et anti-immigrées naissent du désespoir économique", explique cet ancien journaliste du New York Times.

Chris Hedges.

Chris Hedges s'intéresse en particulier aux mouvements évangélistes à travers le pays : la "droite religieuse", qu'il compare à un mouvement fasciste. "L'évangélisme des méga churches est comme une idéologie totalitaire : basée sur la masculinité, la soumission à une figure centrale et sur l'apocalyspe." Le chercheur estime que ce mouvement naît de la désillusion, une menace bien réelle aujourd'hui, notamment au sein des classes moyennes, la "working class", étranglée par la situation économique. Le taux de chômage aujourd'hui aux Etats-Unis est de 7,6%.

L'intellectuel de gauche qui se revendique athé met en garde contre la montée en puissance de ce mouvement de masse qu'est l'évangélisme, associé à sa "propagande pseudo scientifique qu'est le créationnisme."

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