samedi, juillet 25, 2009

L'option payante est de plus en plus séduisante pour les grands sites d'information

Le débat sur le modèle économique des médias à l'ère numérique n'a pas fini de faire couler de l'encre. Depuis plusieurs années, les journaux s'interrogent sur la façon de rester profitables, voire de survivre dans certains cas. La grande question concerne les sites Internet, dont on se demande comment ils peuvent compléter les revenus en chute libre de l'imprimé. "Les yeux d'un lecteur en ligne représentent cent fois moins que ceux d'un lecteur du papier en termes de revenus", indiquait cette semaine Jane Hamsher, fondatrice du blog de gauche FireDogLake, à l'occasion d'une conférence à Los Angeles sur l'avenir des journaux. Difficile dans ces conditions d'imaginer comment les sites peuvent compenser le déclin du lectorat papier.

La plupart des journaux anglais et américains - et français, avec l'exception notable du Monde - ont adopté un modèle en ligne sans abonnement. Le site est complètement ouvert, que l'internaute soit abonné ou non au journal papier. Mais cet ère semble se fissurer, à en croire plusieurs déclarations de responsables de grands journaux de part et d'autre de l'Atlantique.

Rupert Murdoch, fondateur de News Corp

Cela a commencé par Rupert Murdoch. Le milliardaire à la tête de News Corp a annoncé en mai dernier qu'il rendrait les sites d'information de son empire médiatique payants "d'ici les douze prochains mois". News Corp a dans son escarcelle des titres aussi prestigieux que le Wall Street Journal, The Times ou encore Wired.

Puis c'est au tour du Financial Times. Dans une interview au Guardian, le rédacteur en chef du quotidien économique croit savoir que "presque tous les sites d'information deviendront payants d'ici un an". Ce serait un changement radical de stratégie, tant nous - les lecteurs - sommes habitués à avoir accès à tous nos sites préférés sans avoir à payer, si ce n'est tolérer quelques bannières publicitaires plus ou moins intrusives.

Lionel Barber, le rédacteur en chef du FT, souligne que le journal a mis en place une stratégie hybride qui commence à faire ses preuves : donner librement accès à un nombre limité d'articles du journal en ligne avant de demander au lecteur de s'abonner. Le FT.com compte à ce jour 110 000 abonnés.

Lionel Barber, rédacteur en chef du Financial Times (crédits : Lynda Nylind)

Enfin, le New York Times s'y met. Le site d'information sans aucun doute le plus réussi et le plus abouti du web penche également pour un modèle payant d'ici le mois d'août à en croire un article du Financial Times, qui cite des "sources proches" du journal américain. Il y aurait deux tarifs, l'un pour les abonnés au site uniquement, et l'autre pour ceux qui sont déjà abonnés au journal papier. Les lecteurs intéressés par le site paieraient 5 dollars par mois - 60 dollars par an, ceux qui paient déjà un abonnement au quotidien papier devraient débourser la moitié de cette somme : 2,5 dollars par mois soit 30 dollars par an, pour accéder au site. Un site qui propose désormais bien plus que les simples articles du journal : vidéos, portfolio sonores, dossiers interactifs, blogs, discussions avec les lecteurs...etc.

Ce retour en arrière est particulièrement intéressant venant du Times car le journal avait déjà expérimenté le modèle de l'abonnement en ligne, avant de se rétracter. C'était en 2007, et malgré ses 200 000 abonnés, le site n'était pas parvenu à amortir ses coûts. Le New York Times explore toutefois d'autres options, comme le recours à des fondations privées comme mode de financement à l'image de la radio publique nationale NPR. Craig Whitney, assistant éditorial, a confié à Poynter.org que si les rédacteurs en chef du Times "ne sont pas encore parvenus à une conclusion" sur cette option, elle reste "concevable". Le tout est de veiller à garder son indépendance éditoriale, lorsqu'une fondation de l'industrie pharmaceutique comme Merck Foundation ou celle de Bill Gates fait don de plusieurs dizaines de milliers de dollars au journal.

Au final, le site du Monde, autrefois pointé du doigt par ses pairs pour son intransigeance à garder un modèle abonnés alors que le tout gratuit était en vogue, sort du débat la tête haute.

John Gruber, fondateur du blog Daring Fireball (crédits : George Del Barrio)

Il reste cependant de nombreux défenseurs de l'accès gratuit aux sites d'informations, comme John Gruber du blog Daring Fireball. Pour lui, la publicité est le moyen de payer pour l'information en ligne, mais d'abord et avant tout, il faut revoir le fonctionnement même des rédactions de journaux. "Dans les médias "old school", le personnel éditorial ne représente qu'une fraction de l'ensemble des employés, (...) or au lieu de se poser la question "Comment pouvons-nous continuer à publier une information de qualité et à faire des reportages?", ces médias se demandent "Comment pouvons-nous continuer à gagner suffisamment d'argent pour payer nos différents départements ?" En résumé, John Gruber pense qu'il faut tailler dans la masse du personnel exécutif et administratif des grands médias, afin de limiter les coûts de fonctionnement, et de ne garder que les journalistes...

Le débat sur le modèle économique de la presse en ligne est loin d'être clos.

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